Sur la crise du mouvement anti-globalisation

27/12/2004

1.
Dà¨s son apparition à  Seattle en dà©cembre 1999, le " mouvement contre la globalisation " englobait deux courants diffà©rents. Le premier, et dominant, contestait seulement les effets les plus dà©vastateurs de la globalisation et du nà©o-libà©ralisme concernant la distribution inà©gale des ressources et des richesses et prà©conisait une " globalisation positive par le bas ", une globalisation " dà©mocratique ". Ils ont ainsi acceptà© le modà¨le principal des globalisateurs selon lesquels il est temps de nous libà©rer des à©tats-nation. Ceux-ci sont considà©rà©s un frein sur le chemin vers le " progrà¨s ", de vieux outils dont on doit se libà©rer. Le deuxià¨me courant, bien qu´un composant mineur, dà©nonà§ait non seulement les effets mais l´essence màªme de la globalisation ou plutà´t du capitalisme, cause và©ritable de l´intensification des contradictions sociales entre les riches et les pauvres.

2.
Aux Etats-Unis cette division n´a jamais à©tà© profonde. Mais dà¨s que le mouvement est arrivà© en Europe, cette contradiction a souvent acquis formes virulentes. Avec la mobilisation de Gàªnes en juillet 2001, l´Europe est devenue rà©ellement le centre du mouvement capable des mener les jeunes, tout rà©cemment politisà©s, aux rues mais laissant le mouvement ouvrier traditionnel aux marges. En raison des traditions politiques europà©ennes, la diffà©rentiation entre modà©rà©s et radicaux ne pouvait que prendre la forme de l´ancienne dichotomie, soit les rà©formistes ou social-dà©mocrates d´un cà´tà© et les traditions rà©volutionnaires de l´autre cà´tà©. Nà©anmoins, l´approche radicale ne s´est pas exprimà©e au niveau politique et des programmes, mais plutà´t sur le terrain des mà©thodes et des moyens de lutte. Les secteurs les plus radicaux du mouvement ont cherchà© en prà©valence les accrochages avec les forces de police en transformant chaque manifestation en un spectacle mà©diatique. Puisque ce radicalisme à©tait seulement formel il a à©tà© facile pour les organismes social-dà©mocrates garder le contrà´le sur la majorità© du mouvement. Pour exercer leur hà©gà©monie ces organismes ne se sont pas exposà©s directement mais ont utilisà© un certain nombre des dirigeants et de groupes surgis du mouvement lui-màªme ou provenant de la nouvelle gauche post 68´.

3.
Les Forums Sociaux se sont toujours posà©s comme organismes capables de protà©ger miraculeusement l´unità©, la reprà©sentatività© et leur propre pouvoir : ils n´à©taient en rà©alità© que des coordinations ou de petits parlements dans lesquels les diffà©rents courants politiques organisà©s se combattaient afin d´exercer l´hà©gà©monie et nà©gocier plus tard les compromis tactiques nà©cessaires à  maintenir l´à©lan de la mobilisation. Le Forum Social Mondial (FSM) avec son Conseil Gà©nà©ral à©tait dà¨s le dà©but non seulement l´otage de grands organismes social-dà©mocrates, mais aussi une structure hià©rarchique et anti-dà©mocratique. Il n´a jamais reprà©sentà© la diversità© et le radicalisme du mouvement.

4.
Les forces et les organisations anti-impà©rialistes des pays opprimà©s et semi-coloniaux aussi bien que de l´Europe, n´ont jamais pu s´exprimer dà»ment dans le Forum Social Mondial : contre elles les organismes qui gà¨rent le FSM ont mise en place une exclusion de facto. Dà¨s le dà©but le FSM de Porto Alegre, sous le contrà´le du PT brà©silien, a exclu tous les mouvements combattants avec les armes contre les oligarchiques et pro-impà©rialistes. Cette exclusion a à©tà© encore plus grave et emblà©matique si on considà¨re que dans cette màªme pà©riode a à©clatà© l´Intifada palestinienne et qu´elle a servi de point de cristallisation pour les luttes anti-impà©rialistes dans le monde. Aprà¨s le 11 septembre la position d´à©quidistance qui voulait un mouvement " contre la guerre et le terrorisme " est devenue hà©gà©monique comme souhaità© par les organismes social-dà©mocrates dà©jà  lors de l´agression amà©ricaine de l´Afghanistan (octobre 2001) et la compilation de la liste noire des " terroristes " qui inclut non seulement des mouvements islamiques mais à©galement presque tous les mouvements rà©volutionnaires de libà©ration.

5.
Tout en participant à  toutes les mobilisations anti-globalisation, nous nous sommes refusà© de faire partie du FSM, en raison de son pacifisme constitutif et de sa clause sur la non violence. Ce choix à©tait nà©cessaire et s´est prouvà© correct. Cette clause n´a pas seulement exclu les anti-impà©rialistes combattants et les rà©volutionnaires europà©ens, mais a aussi rà©và©là© que les organismes social-dà©mocrates tenaient la barre du SFM. Ils ont refusà© de dà©finir impà©rialiste la globalisation et n´on pas màªme voulu entendre parler du lien nà©cessaire entre les luttes sociales et civiques au c…œur de l´empire et les luttes plus dà©cisivement anti-impà©rialistes à  la pà©riphà©rie.

6.
C´est la rà©sistance irakienne qui a poussà© le mouvement anti-globalisation dos contre le mur en à©voquant sa crise irrà©versible. Le mouvement anti-globalisation a à©tà© protagoniste des manifestations pour la paix et contre l´agression anglo-amà©ricaine. Mais dà¨s que les occupants ont conquis Bagdad, les mobilisations ont cessà©es, cependant elles auraient à©tà© encore plus nà©cessaires d´autant plus que la rà©sistance populaire armà©e commenà§ait à  attaquer les troupes impà©rialistes. Seulement de petits composants ont affirmà© la là©gitimità© de la rà©sistance, et un nombre encore infà©rieur l´a soutenue – et tout cela avec un retard inacceptable. La plus grande partie du mouvement s´est tenue loin du problà¨me, en gardant un silence infà¢me et refusant systà©matiquement de se mobiliser pour la victoire de la rà©sistance. Finalement toutes les contradictions latentes dans le SFM ont à©clatà©. Les fractions radicales ont à©tà© obligà©es de venir à  l´avant et – ne soutenant cependant pas la rà©sistance – ont au moins du reconnaà®tre sa là©gitimità©.

Avec notre campagne claire et systà©matique pour la rà©sistance irakienne, nous n´avons seulement du faire face à  l´opposition du mouvement anti-globalisation, mais à©galement à  un ostracisme gà©nà©ral. Mais c´est aussi grà¢ce à  cette campagne que la rà©sistance a gagnà© du terrain dans le mouvement, et cependant nous sommes toujours confrontà© par/avec la rà©luctance des forces màªme les plus radicales à  former une vraie coordination des forces pro-rà©sistance.

7.
Le dà©clin du mouvement pourrait causer la rupture et la fragmentation dà©finitives du FSM. Cette consà©quence est màªme souhaitable et tout essai de tenir le mouvement artificiellement uni est destinà© à  l´à©chec/à©chouer. Tandis que l´unità© est souhaitable et nà©cessaire, elle ne l´est certainement pas sous le commando asphyxiant des social-dà©mocrates. Ceci deviendra encore plus clair au prochain FSM à  Porto Alegre. Il se tiendra sous l´à©gide du gouvernement PT qui succombe complà¨tement à  la globalisation impà©rialiste cette màªme globalisation que le mouvement prà©tend de combattre. En ayant comme notre objectif principal la formation d´un front anti-impà©rialiste, le Camp Anti-impà©rialiste doit intensifier ses initiatives vers les composants qui abandonneront le FSM en rompant avec les organismes social-dà©mocrates. C´est une tà¢che trà¨s difficile parce qu´il s´agit concrà¨tement de lier et d´unir les forces antagonistes dans les pays impà©rialistes et les forces combattantes des pays agressà©s et opprimà©s principalement de la Palestine et de l´Irak. Sans ce pont il ne sera possible ni une victoire soutenable dans les pays qui lutte sur la premià¨re ligne, ni un futur pour les forces antagonistes des pays occidentaux.

Comità© politique du Camp Anti-impà©rialiste
Le 5 dà©cembre, 2004