Parole libérée

07/03/2011
Quelques nouvelles d'Oman et des ronds-points occupés de Sohar
Dans une région où il n'y a ni théâtre, ni spectacle, ni lieux de discussion (cafés méditerranéens, ou autre), la scène érigée sur ce rond-point au milieu des tentes, d'où s'élèvent des discours émancipateurs, frappe les yeux et les esprits. Tous les Omanais que je rencontre m'assurent qu'il s'agit là de quelques chose de totalement inédit, affirmation confirmée par un des orateurs.

Des tentes sont plantées autour du rond-point (signifiant que les protestataires ne souhaitent pas quitter les lieux) au milieu desquelles se dresse une scène sur laquelle chacun est libre de venir présenter ou déclamer ce qu'il veut: discours théoriques, poèmes, harangues, slogans, histoires fantastiques, etc.

Les orateurs s'expriment à visage découvert et ne cachent pas leur nom qu'ils annoncent au début et à la fin de leur discours. Certains ont cependant conscience de risquer la prison. Un d'entre eux s'écrie: je mourrai martyr plutôt que de vivre dans l'injustice.

Parmi les revendications aujourd'hui, voici celles que j'ai pu entendre:

-Fin de la corruption. Renvoi de tous les ministres corrompus. À l'annonce des changements ministériels, les manifestants ont sacrifié des taureaux pour célébrer cette victoire à Sohar et à Nizwa.

-Transparence. Tous les revenus des ministres et membres du gouvernement devraient être déclarés. L'exemple de l'Allemagne et des pays du Nord est cité. Les ministres qui ne sont pas capables de justifier leurs dépenses devant le peuple devraient démissionner.

-Un orateur a exigé un parlement élu, remplaçant le "majliss al choura".

-La libération de certains prisonniers est aussi une des requêtes.

-Le sultan n'est jamais remis en cause. Au contraire, tous les discours se terminent par ses louanges. Il est convenu que c'est son entourage qui pose problème.

-À cela viennent s'ajouter des revendications d'ordre économique et social. (Augmentation des salaires, plus d'emplois, etc.)

- Un orateur s'insurge contre la pratique du taux à intérêt qu'il décrit comme émanant de banquiers sans scrupules qui oppriment le peuple.

Il convient d'ajouter qu'une grève du milieu enseignant a été menée il y a peu et qu'une réforme du système éducatif est aussi demandée.

Les revendications inspirées d'une idéologie libérale (démocratie parlementaire, etc.) se mêlent aux exigences sociales. Dans les discours, les références islamiques sont nombreuses, mais servent à consolider et légitimer des revendications politiques séculières. Jamais il n'a été question d'État islamique.

Certains mettent en garde contre des espions potentiels, mais l'atmosphère reste calme et joyeuse.

Je ne suis pas capable d'estimer le nombre de protestataires. Les gens vont et viennent et l'assemblée se régénère régulièrement.

Un témoin étranger