Tsipras: effrayé par son courage

25/02/2015
Le dicta austéritaire allemand prouve l'impossibilité de l'« Europe sociale »
par Wilhelm Langthaler
L’accord de Bruxelles pour prolonger le programme de l’UE pour la Grèce est une défaite humiliante pour le gouvernement SYRIZA. Ses tentatives d’obtenir un soutien parmi des gouvernements de l’Union a lamentablement échoué. L’intransigeance allemande à défendre sans compromis les intérêts étroits de l’oligarchie financière a prévalu, témoignant de l’impossibilité d’un virage social des structures du pouvoir de l’UE. Es-ce la fin ? Nous croyons qu’il reste une possibilité de contrecarrer le programme de famine de l’UE.

Jusqu’à présent la posture audacieuse du Premier ministre grec Alexis Tsipras contre l’oligarchie européenne et, en particulier les dirigeants allemands, lui a fait gagner le cœur des masses populaires – pas seulement en Grèce. Partout en Europe Tsipras est devenu l’étoile montante des victimes du néolibéralisme et de la crise capitaliste contestant directement la domination d’Angela Merkel.

Son message était clair : fin des mensonges des élites, qui disent que le salut ne peut venir qu’en faisant baisser le niveau de vie des peuples et des normes sociales – tandis que l’oligarchie continue à s’enrichir sans vergogne. Le nouveau gouvernement grec défie la logique effroyable des marchés financiers, l’allégation à la raison économique, qui a continuellement creusé le fossé entre pauvres et riches. La démocratie est de retour, et les intérêts sociaux de la majorité sont de nouveau importants. Les gens ordinaires se réjouissaient, et la jubilation augmenterait encore.

Mais maintenant, il semble que sa propre audace fasse peur à SYRIZA. Quelques mots très durs du tyran des créanciers, Wolfgang Schäuble, ont suffi à l’acculer. SYRIZA n’a pas seulement promis de mettre fin au diktat de la famine, mais a aussi promis de rester dans la zone Euro. Le ministre des Finances grec Yanis Varoufakis fait un pari aux enjeux élevés et sans garder le seul atout possible en main - une rupture active avec l’élite capitaliste, une sortie unilatérale de la zone Euro. La conjoncture actuelle aurait offert une possibilité formidable pour une mobilisation de masse en soutien d’une telle décision historique.

SYRIZA est prisonnier de son propre passé, de ses origines euro-communistes de SYNASPISMOS. Pour eux, l’Union européenne a été la plus grande réussite de la période d’après-guerre. Il y aurait seulement besoin de la rendre plus sociale. Ils n’ont pas compris que la raison d’être de l’UE est de détruire les Etats-providence qui avaient historiquement grandis dans les États-nations.

Certes, le peuple aspire à la sécurité. Son vote approuve l’équilibre entre fin de l’austérité et maintien dans l’euro. Les gens veulent faire partie du club des pays riches et craignent d’être de nouveau poussés dans la périphérie pauvre. Ceci est compréhensible. Les derniers développements montrent toutefois très clairement que c’est impossible – le cœur du capitalisme ne l’acceptera pas. Pour en finir avec le diktat de la faim, la Grèce doit se débarrasser de la règle de l’élite de l’UE, dominée par Berlin, avant que Berlin n’éjecte la Grèce aux conditions allemandes.

SYRIZA a fait de plus en plus allusion au mandat donné par le vote, mais ceci c’est transformé en prétexte, en paravent, pour se cacher derrière le peuple. Alors que les gens commencent à comprendre et ont démontré leur soutien massif à une ligne dure contre Berlin, SYRIZA se mue en arrière-garde et bloque le processus rapide de radicalisation populaire. La réponse à Berlin et à Bruxelles serait évidente : si vous tenez absolument à nous affamer, nous enverrons les créanciers en enfer. Dans ce cas, ce serait le tour de Schäuble et aux hommes de Goldman-Sachs de paniquer. Que l’annulation de la dette soit en effet possible a été démontré par des gouvernements beaucoup moins à gauche que SYRIZA - l’Argentine ou l’Islande.

En fin de compte, une large coalition pour une rupture aurait émergé - dépassant largement la Grèce regroupant des forces comme Podemos et d’autres. Les contours d’une véritable Europe sociale auraient pointés à l’horizon - sur les décombres de l’euro et de l’UE capitaliste. En signant l’accord, Tsipras et Varoufakis ont rendu un très mauvais service à Julio Iglesias de Podemos (Espagne).

En dépit de ses cris de victoire SYRIZA a reculé. Oui, ils vont essayer de poursuivre les négociations. Mais l’oligarchie fixe le cadre qu’ils ont finalement accepté. Il fallait faire comprendre qui commande et qui doit obéir. Le reste n’est que façade et argumentaire de vente. Contraindre les dirigeants de SYRIZA, la « gauche radicale », est une étape importante pour les instrumentaliser afin d’imposer le programme de famine de l’UE. Si cela est confirmé, SYRIZA est vouée à mourir tôt ou tard.

On ne peut pas prévoir en détail ce qui adviendra. En tout état de cause, les forces de droite devraient se renforcer. Un pôle se ferait autour des anciennes élites politiques directement liées aux élites de Bruxelles. L’autre pôle pourrait être fasciste du type Aube dorée. Mais nous n’en sommes pas là pour l’instant.

Une bataille aura été perdue, mais la lutte est loin d’être terminée. Les conditions exactes du programme de famine sont encore à définir. A toute tentative de sortir de la cage définie par la troïka, la réponse de la caste des banquiers sera la menace d’être expulsé. Le « défaut » va être une menace permanente exigeant une capitulation permanente. Compte tenu du fait que les recettes néolibérales néo-classiques ne fonctionnent pas, même en termes purement capitalistes, la grave crise va durer et va même s’approfondir. Même le renoncement à la souveraineté et l’acceptation de la tutelle de l’UE n’assurera pas le maintien au sein de l’Euro-zone. Tôt ou tard, la Grèce devra la quitter de toute façon.

La possibilité de mettre fin au programme de famine, comme promis par SYRIZA, existe toujours. Nous doutons fortement que les masses populaires ainsi que de nombreuses forces politiques au sein de SYRIZA et à l’extérieur de celui-ci acceptent que rien ne change. Les gens vont continuer à exiger des améliorations sociales. SYRIZA ne peut pas simplement devenir, en quelques jours, un nouveau PASOK. SYRIZA est plus que ceux qui ont lié le destin de SYNASPISMOS à l’UE. Un large front rejette la capitulation et pense à un plan B qui peut être construit en s’adressant aussi à de grandes parties de SYRIZA. Peut-être la seule possibilité est-elle une sorte de révolte populaire contre SYNASPISMOS accompagnée par un coup d’Etat interne - retrouver de l’audace !

Les exigences centrales dans l’intérêt des classes populaires sont : sortie de l’euro - rupture avec le centre capitaliste.

Les étapes suivantes pourraient être :

* contrôle de capitaux
* répudiation de la dette
* nationalisation des banques
* programme public d’investissement
* sortie de l’UE et de l’OTAN
* se tourner vers la Russie et la Chine pour un soutien économique en vue d’une coopération internationale indépendante de l’impérialisme de l’ouest

La naissance d’un grand mouvement populaire est nécessaire pour éviter la capitulation. Nous appelons à la solidarité internationale de toutes les forces combattantes du PROGRAMME de famine qui exige la rupture immédiate avec le régime de l’Euro.

Traduction Joël Perichaud (M’PEP)
http://www.m-pep.org/spip.php?article3919